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Cette page est la quasi copie d'un message de Daniel N. RAVEZ posté
dans fr.biz.teletravail le 6 avril
2002 visant à répondre à la question : "En quoi le
portage salarial est-il illégal ?" Daniel RAVEZ est Avocat au
Barreau de Paris, et a donné son accord à la publication de cette page.
L'opération de portage salarial
Un individu (le porté), qui dispose d'une compétence particulière
(en général en matière de prestations de services),
qui ne souhaite ou ne peut pas s'installer à son compte (que ce soit
sous forme de travailleur indépendant ou de société
commerciale), mais qui désire continuer à bénéficier
des avantages sociaux des salariés (sécurité sociale,
retraite, allocations ASSEDIC en cas de chômage, etc) a recours au
montage suivant pour les prestations qu'il fournit à ses clients:
- le porté conclut, pour la durée de la
mission, un contrat qualifié de contrat de travail avec
une société tierce (le porteur). Ce contrat se
présente généralement comme un CDD (plus
rarement un CDI "à temps partiel annualisé").
- la société de portage conclut un contrat de prestation
de service (contrat d'entreprise) avec le client du porté. Le porté
trouve lui-même ses clients et définit le contenu et le prix
la prestation avec son client sans intervention de la société
de portage. Le porté réalise la prestation selon la demande
du client. La société de portage facture le client, encaisse
le prix convenu, déduit un pourcentage pour "frais de gestion" et
rétrocède (verse) le reste au porté sous forme de salaire.
En quoi ce montage est illégal et les divers délits
constitués
Contrat de travail entre le porteur et le porté
Je rappellerai tout d'abord que l'objet du contrat de travail consiste en
la fourniture d'une prestation de travail en échange d'une rémunération
(cause du contrat) et qu'il se caractérise en ce qu'il s'exécute
dans le cadre d'un lien de subordination vis à vis de l'employeur,
qui est le bénéficiaire de la prestation de travail définie.
Le contrat conclu entre le porté et la société
de portage N'EST PAS UN CONTRAT DE TRAVAIL, ne serait-ce qu'à cause
de l'absence totale de lien de subordination assujettissant le porté
à la société de portage prétendument son employeur
(en réalité la réalité de la subordination est
inverse puisque c'est la société de portage qui exécute
les instructions de son prétendu salarié lors de l'établissement
du contrat entre la société de portage et le client du porté;
la société de portage n'a aucune latitude pour définir
le contenu de la prestation ni son prix).
De plus le recours au CDD est sévèrement encadré
par les textes applicables (art L122-1-1 et D.121-2 du Code du travail) qui
limitent les motifs légitimes pour lequels un employeur peut y avoir
recours (remplacement d'un salarié en cas d'absence, accroissement
temporaire de l'activité de l'entreprise, emplois saisonniers ou pour
lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret,
il est d'usage constant de ne pas recourir au CDI en raison de la nature
de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire
de ces emplois).
Les délits constitués
Le "portage salarial" consiste en fait à commettre au moins trois
ou quatre délits du même coup :
-
- travail dissimulé (pour le porté),
- prêt illicite de personnel (pour le porteur),
- emploi non déclaré de salariés (pour l'utilisateur),
- fraude aux Assedic, URSSAFF, Fisc (pour le porté).
- Ce FAUX CONTRAT DE TRAVAIL constitue simplement une fraude pour permettre
au porté de toucher le cas échéant des prestations sociales
indues (allocations sécu, allocations ASSEDIC), puisque la condition
du droit à indemnisation c'est l'exercice d'un certain nombre d'heures
de travail en qualité de SALARIE. (c'est la fraude aux ASSEDIC
mentionnée dans mon post; j'y ajoute fraude à la sécu,
etc).
- En réalité c'est le client, donneur d'ordre, qui
est le véritable employeur du porteur. Il le fait travailler sans
le déclarer en tant que son salarié (c'est l'emploi non
déclaré de salariés); de plus, aucun bulletin de
paye n'étant remis au salarié, toutes les heures de travail
effectuées ne figurent pas sur le bulletin de paye (définition
du délit de travail salarié dissimulé par l'article
L.324-10 du Code du travail, sanctions L.362-3 deux ans de prison et 200.000
francs d'amende).
Le fait pour le porté de s'abstenir de ses obligations
d'inscription auprès des organismes de protection sociale et de l'administration
fiscale est passible des mêmes peines (cà c'est pour le porté).
- Le délit de marchandage est défini comme suit par
l'article L.125-1 du Code du travail : " toute opération à
but lucratif de fourniture de main d'oeuvre qui a pour effet de causer un
préjudice au salarié qu'elle concerne ou d'éluder l'application
des dispositions de la loi,de règlement ou de convention ou accord
collectif de travail, ou "marchandage", est interdite. Les associations d'ouvrier
qui n'ont pas pour objet l'exploitation des ouvriers les uns par les autres
ne sont pas considérées comme marchandage".
Les opérations de fausse sous-traitance (c'est ainsi
que se qualifie pénalement le portage salarial) ont pour effet de
priver les salariés des avantages de la convention collective applicable
dans l'entreprise cliente et tombent de ce fait sous le coup de l'interdiction
(cass. crim. 25 avril 1989, Bul crim n°169).
De plus, l'article L.125-3 dispose que "toute opération
à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main d'oeuvre
est interdite sous peine des sanctions prévues à l'article
L.152-3 (2 ans d'emprisonnement et 200.000 francs d'amende, plus des peines
complémentaires) dès lors qu'elle n'est pas effectuée
dans le cadre des dispositions (...) relatives au travail temporaire.". (mêmes
peines que pour le client, mais là c'est la société
de portage qui prend).
Il est incontestable que la société de portage
a un but lucratif (elle prélève un pourcentage sur le chiffre
d'affaires réalisé, faussement qualifié en général
de frais de gestion). (c'est le prêt illicite de personnel).
Les textes n'étant pas trop mal faits, quoi qu'en disent
certains, tous les intervenants le porté, le client, et la société
de portage) de la fraude que constitue le "portage salarial" encourrent la
même peine : DEUX ANS D'EMPRISONNEMENT et 200.000 FRANCS D'AMENDE.
- J'ajoute enfin qu'est interdite toute publicité tendant
à favoriser, en toute connaissance de cause, le travail dissimulé
sous peine des mêmes sanctions.
Aucune de ces dispositions n'est révolutionnaire, même
si certaines ont été renforcées par la loi du 11 mars
1997 visant à renforcer la lutte contre le travail dissimulé.
Dernier point amusant, tous ces contrats étant nuls de nullité
absolue pour illicéité de la cause, le client peut très
bien faire travailler le porté et ne pas payer le prix convenu pour
la prestation, sans la moindre possibilité de recours (ni contre le
client, ni contre la société de portage).
Non seulement le "portage salarial" est une fraude délictuelle,
mais c'est potentiellement une ARNAQUE.
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